Le contraste m’a frappé entre la verticalité triomphante de cette tour où jusqu’ici, dans toute ma vie, aucun de ses protagonistes sophistiqués ne m’a jamais adressé la parole et l’horizontalité simple et plus humaine où, en quelque minutes, j’ai pu discuter, fraterniser et faire avancer le débat des idées avec trois ou quatre de mes frères humains.
L’on peut se poser la question... Est-ce vraiment ces courageux campeurs de l’absolu qui occupent un coin de Montréal ou n’est-ce pas plutôt l’ensemble de ce système qui a établit son triste dominion non seulement partout sur la cité, mais également, et de façon peut-être encore plus éclatante, dans nos consciences, par un espèce de discours hystérique et surmoïque quotidiennement répété sur toutes les tribunes, dont toute la philosophie se résume à ces pauvres phrases : il faut se serrer la ceinture; le privé, c’est bien mieux; les pauvres, sont paresseux !
Peut-être peut-on voir là une partie de l’explication de l’intérêt que suscite ce mouvement un peu partout et dans à peu près toutes les couches de la société. C’est qu’il nous fait voir par contraste à quel point ces gens des hautes sphères de l’économie «occupent», pour ne pas dire «assiègent» maintenant toutes les dimensions de la vie sociale, ou du moins, ce qui en reste.
On a pu voir récemment un exemple frappant de l’omnipotence outrecuidante de cette force, lorsque le gouvernement Grec, pour avoir voulu consulter sa population à propos du plan d’austérité imposé par les banquiers européens, a été si sévèrement critiqué par ces gens à travers tous les haut-parleurs de la bonne presse capitaliste, que le premier ministre s’est senti obligé de démissionner. Il avait été qualifié d’irresponsable. Définition d’irresponsabilité plutôt curieuse lorsque la faute fût, à un gouvernement démocratique, de vouloir consulter sa propre population. Donc, nouveau premier ministre, issu tout droit du milieu financier et l'entrée subtile de l'extrême-droite au sein du gouvernement Grec : une première depuis la chute de la dictature des colonels en 1974... Voilà une Grèce plus respectable !
L’urgence philosophique de notre époque serait peut-être de déconstruire le discours économiciste, celui qui se présente comme le plus raisonnable et qui essaie de se parer de la raisonnabilité de la nature. Pourtant ce discours n’a rien de naturel, sinon peut-être les rapports de force brute qui se cachent derrière l’apparente neutralité des nombres et de la mathématique. Pourtant, il faut comprendre qu’IL N’Y A PAS une chose telle que la science économique (there is no such thing as economic science...) - du moins pas dans notre économie actuelle où les rapports de force sont complètement asymétriques et les économistes orientés et cooptés par les grandes entreprises. Dans ces conditions, l’économie est une technique au mieux, et une technique au service de l’accumulation du capital.
En ce sens, l'économie capitaliste n'a que faire de la politique. Ces parlements, ces débats, ces règles encombrantes; foutez-moi ça dehors et placez-moi un état policier (fasciste ?), vous allez voir que l'économie va bien se porter !
Supportons les campeurs d’Occupons Montréal et des autres villes à travers le monde (environ 1500) qui viennent poser les bonnes questions et, espérons-le, nous inspirer quelque réponse, à nos consciences fatiguées par deux siècles de capitalisme sauvage. Ce que vous faites, vous ne le faites pas en vain, quoi qu’on pourra en dire.
Occident fatigué, reprends-toi et brille de tes meilleures idées ou tu sombreras de nouveau, et pour la dernière fois, dans la nuit sans espoir.
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